Sept mois après sa mise en place, le Pool judiciaire financier chargé de la traque des biens mal acquis affiche un premier bilan impressionnant : plus de 15 milliards de francs CFA ont été recouvrés entre septembre 2024 et avril 2025. Une annonce faite ce jeudi 17 avril 2025 par le procureur de la République, El Hadj Alioune Abdoulaye Sylla, lors d’une conférence de presse consacrée à l’état d’avancement des dossiers en cours.

Cette somme, issue de cautionnements et de saisies opérés dans le cadre d'enquêtes en cours, symbolise un tournant majeur dans la lutte contre la délinquance économique au Sénégal. Selon le magistrat, 292 dossiers ont été traités, avec 262 personnes présentées au parquet. Les sections de recherches de Dakar et Saint-Louis ont été fortement sollicitées, révélant l’ampleur nationale de l’opération.

Depuis son lancement le 17 septembre 2024, le Pool a activé tous les leviers juridiques à sa disposition. Au total, 142 procédures proviennent des unités d’enquête, 14 autres ont été transmises par des juges d’instruction, tandis que 20 rapports ont émané de la CENTIF (Cellule nationale de traitement des informations financières) et 8 de l’OFNAC (Office national de lutte contre la fraude et la corruption).

Le procureur a également détaillé la liste des biens saisis : 92 véhicules de diverses marques, 11 titres fonciers, ainsi que plusieurs pirogues et moteurs. Des saisies qui témoignent de la diversité des avoirs mal acquis et de la complexité des circuits financiers illégaux.

Entre les 16 et 17 avril 2025, une nouvelle vague d’arrestations a été opérée par la Division des investigations criminelles (DIC). Pas moins de 27 personnes ont été interpellées dans le cadre d'une enquête sur la gestion controversée du fonds de riposte contre le Covid-19, doté de 1 000 milliards FCFA entre 2020 et 2021.

Dans ce volet explosif, une enveloppe de 258 millions FCFA a déjà été consignée par des personnes soupçonnées de détournements de deniers publics. Parmi elles, cinq anciens ministres de l’ère Macky Sall sont dans le viseur. Leur sort pourrait désormais dépendre d’un vote à l’Assemblée nationale, la Haute Cour de justice étant seule habilitée à juger les membres du gouvernement.

Lors de la conférence, le procureur de Dakar, Ibrahima Ndoye, a tenu à préciser que les inculpations en cours respectent les droits des mis en cause.

« L’objectif de ces poursuites n’est pas de transformer qui que ce soit en prédateur. Nous ne sommes pas des agents de recouvrement. Nous sommes des autorités judiciaires»

Il a aussi révélé que les sommes recouvrées ont été transférées à la Caisse des dépôts et de consignations (CDC).

« Ces fonds seront restitués au peuple sénégalais, qui a consenti d’énormes efforts durant la pandémie »

a-t-il assuré.

Ce premier bilan du Pool judiciaire financier illustre une volonté politique assumée d’assainir la gestion publique et de renforcer la transparence. Toutefois, cette intensification des poursuites pose également la question de l’indépendance de la justice et des éventuelles interférences politiques, notamment dans des dossiers impliquant d’anciens hauts responsables.

 

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