594 TONNES DE CACAO SAISIES ENTRE 2024 ET 2025

La Côte d’Ivoire, géant mondial du cacao, serre les rangs. Face à une contrebande qui prend des proportions alarmantes, le pays a décidé de frapper un grand coup. L’objectif est d’enrayer l’hémorragie de ses précieuses fèves, siphonnées illégalement vers les pays voisins au détriment de son économie et de millions de producteurs locaux.
Dans un contexte où les cours mondiaux du cacao atteignent des sommets historiques – jusqu’à 12 000 dollars la tonne à la bourse de New York – le phénomène de trafic illicite s’est dangereusement accéléré. Résultat : les autorités ivoiriennes ont lancé une riposte d’ampleur baptisée « Verrou 322 ». Une opération d’envergure nationale visant à sécuriser les frontières et démanteler les circuits de contrebande.
Le bilan est sans précédent. Entre octobre 2024 et mars 2025, 594,4 tonnes de cacao ont été saisies par les forces de sécurité aux frontières. Ce chiffre, dévoilé lors du Conseil national de sécurité (CNS) tenu le 17 avril 2025 à Abidjan, illustre l’ampleur du fléau.
À la lumière du cours actuel, 8 096 dollars la tonne au 18 avril 2025, cette saisie représente 4,81 millions de dollars, soit près de 2,77 milliards de francs CFA. Autant de ressources qui échappaient jusque-là à l’État et aux producteurs.
Mais le cacao n’est pas le seul produit touché : 307 tonnes d’anacarde ont également été interceptées, preuve que la contrebande concerne l’ensemble du secteur agricole ivoirien. 265 engins utilisés pour le transport illégal ont été confisqués, et 34 personnes interpellées ont été remises à la justice.
Ce regain de contrebande ne tombe pas du ciel. Il s’explique en partie par une chute notable de la production ivoirienne de cacao, passée de 2 millions de tonnes en 2022/2023 à 1,7 million de tonnes en 2024, un niveau qui devrait se maintenir en 2025 selon les analystes. Pendant ce temps, la demande mondiale, elle, reste soutenue, exerçant une pression sur les prix.
Ce déséquilibre alimente les convoitises : plus le cacao devient rare et cher, plus sa contrebande devient lucrative. Un différentiel de prix important est ainsi observé entre la Côte d’Ivoire et ses voisins. Sur le marché ivoirien régulé, le kilogramme est acheté entre 1 800 et 2 200 francs CFA aux producteurs, contre jusqu’à 5 000 francs CFA en Guinée ou au Libéria, où le marché est plus libéralisé.
Derrière cette économie souterraine, un réseau de trafic structuré s’active dans l’ombre. À San Pedro, Vavoua ou Soubré, des démarcheurs sillonnent les plantations, proposant aux producteurs des prix légèrement supérieurs à ceux fixés par l’État – un appât suffisant pour détourner les cargaisons hors du circuit officiel.
En mars 2025, 75 tonnes de cacao ont ainsi été interceptées à Diawala, au nord du pays, alors qu’elles s’apprêtaient à franchir illégalement la frontière après avoir été acheminées depuis Bouaflé. Des exemples de ce type se multiplient, révélant la porosité des frontières et la sophistication croissante du trafic.
Pour le gouvernement ivoirien, il s'agit de sauvegarder des revenus agricoles, mais aussi le financement des politiques publiques. La contrebande affaiblit non seulement la traçabilité des produits. Une donnée essentielle sur les marchés internationaux.