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Ali Bongo et la Stratégie du Renoncement : Un Piège Politique pour la Démocratie en Afrique Centrale

Ali Bongo et la Stratégie du Renoncement : Un Piège Politique pour la Démocratie en Afrique Centrale
Le 18 septembre 2024, Ali Bongo Ondimba, l’ancien président gabonais renversé après quatorze ans de règne, a annoncé son retrait de la vie politique tout en demandant la clémence pour ses proches détenus. Décryptage avec Andrea Ngombet du collectif Sassoufit.

Derrière cette façade de réconciliation nationale se cache certainement une stratégie politique bien connue des régimes autoritaires : échapper à la justice tout en préservant son influence. Ce renoncement n’est pas seulement une question de survie pour Ali Bongo, mais un danger pour les aspirations démocratiques du Gabon et de toute l’Afrique centrale. 

Un Renoncement Calculé pour Échapper à la Justice

À première vue, le renoncement d’Ali Bongo semble être un acte de rédemption, un appel à l’unité après des années de gouvernance controversée. Cependant, comme Tony Saich l’explique dans son ouvrage Dictatorship and Demand, les autocrates utilisent souvent ces stratagèmes pour détourner l’attention de leurs abus passés. Ce renoncement ressemble davantage à une tentative de se soustraire à la justice, à l’instar de ce qui a été observé dans de nombreux autres régimes autoritaires comme en 1992 en République du Congo le “J’assume” du Président sortant Sassou Nguesso, ne portant aucune conséquence judiciaire, ce dernier avait, malgré les crimes et abus précédent, pu se porter candidat à l’élection présidentielle de 1997 et par un coup d’état militaire revenir au pouvoir. Son appareil politico-militaire était sorti intact de la transition politique de 1990-1992.

Une Transition en Trompe-l’œil : La Continuité du Parti Démocratique Gabonais (PDG)

Sous la houlette du général Brice Oligui Nguema, la transition gabonaise, qui devait rompre avec l’ancien régime, est largement dominée par les membres du Parti Démocratique Gabonais (PDG) d’Ali Bongo. Le gouvernement Ndong Sima II en est la preuve : sur 26 ministres, la majorité provient du PDG, le parti au pouvoir depuis des décennies. La plateforme Alternance 2023, qui avait revendiqué la victoire à la présidentielle, a été quasiment exclue du processus, réduisant ainsi l’espoir d’un véritable changement.

Comme le souligne Samuel P. Huntington dans Political Order in Changing Societies, une transition sans réformes réelles est une simple continuité déguisée. La composition du nouveau gouvernement montre que cette transition gabonaise est de plus en plus un faux-semblant qui permet au PDG de maintenir son emprise sur l’État.

Un Danger pour la Démocratie en Afrique Centrale

Si cette transition échoue à rompre véritablement avec le régime précédent, le Gabon risque de devenir un modèle inquiétant pour d’autres régimes autoritaires en Afrique centrale. En République du Congo, le Parti congolais du Travail, au pouvoir depuis des décennies, pourrait s’inspirer de cette « transition » pour se réinventer tout en maintenant ses pratiques autocratiques. De même, le Cameroun, dirigé par Paul Biya depuis plus de 40 ans, pourrait voir dans cet exemple un moyen de prolonger son régime sans rendre de comptes. Comme l’a averti Nic Cheeseman dans “Democracy in Africa”, une transition démocratique mal menée peut entraîner une régression généralisée.

Une Transition Dévoyée : Un Ali Bongo peut en cacher un autre

Le renoncement d’Ali Bongo permet non seulement d’éviter des poursuites judiciaires, mais aussi de stabiliser l’image de la transition menée par Oligui Nguema. En conservant des figures du PDG dans le nouveau gouvernement, cette transition devient un prolongement déguisé de l’ancien régime. Comme l’explique Kathryn Sikkink dans The Justice Cascade, la justice transitionnelle est cruciale pour empêcher que l’impunité ne devienne la norme. Sans une exclusion judiciaire d’Ali Bongo et de ses alliés, ce renoncement ne serait qu’une manœuvre symbolique sans réelles conséquences pour le Gabon et par extension la région Afrique Centrale. 

 

Par Boursier TCHIBINDA

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