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INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE : UNE PROMESSE INCERTAINE

INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE : UNE PROMESSE INCERTAINE
Le nouveau projet de Constitution entend renforcer cette indépendance, dans un effort pour établir un système judiciaire capable de résister aux pressions de l'exécutif. Toutefois, certaines dispositions de ce texte continuent de susciter des interrogations quant à l'autonomie réelle de la justice face aux influences politiques.

Depuis des décennies, l'indépendance et l'impartialité de la justice sont reconnues comme des piliers essentiels de toute démocratie solide, cimentant l'idée de séparation des pouvoirs. Aujourd'hui, le nouveau projet de Constitution du Gabon entend renforcer cette indépendance, dans un effort pour établir un système judiciaire capable de résister aux pressions de l'exécutif. Toutefois, certaines dispositions de ce texte continuent de susciter des interrogations quant à l'autonomie réelle de la justice face aux influences politiques.

Le projet de Constitution prévoit en effet que les magistrats ne seront plus soumis à l'autorité directe du ministre de tutelle. Cette avancée théorique représente un pas important vers une justice plus indépendante, éloignée des ingérences des acteurs politiques. Cependant, un obstacle subsiste : le rôle central du chef de l'État, qui continue de présider le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), organe clé dans la gouvernance du système judiciaire. Ce dernier dispose du pouvoir de nommer, de promouvoir, voire de révoquer les magistrats, laissant ainsi planer un doute sur la véritable indépendance de ces derniers. Ce mécanisme de nomination pourrait compromettre leur impartialité, en créant une dépendance institutionnelle vis-à-vis de l'Exécutif.

Le projet de texte, via son article 128, renforce ce paradoxe. Bien qu'il souligne que le CSM doit veiller à la bonne administration de la justice, le fait que cet organe soit présidé par le président de la République reste problématique. En effet, une telle organisation peut non seulement miner la perception d'indépendance de la justice, mais aussi créer des tensions dans la relation entre juges et justiciables, compromettant ainsi la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire.

L'importance de ces enjeux se manifeste particulièrement à travers le cas de l'ancienne administration d’Ali Bongo Ondimba. Au cours de son mandat, plusieurs membres de son entourage, dont son épouse et un de ses enfants, ont été suspectés de corruption. Malgré ces soupçons, ils n'ont fait l'objet d'aucune procédure judiciaire, illustrant le problème de la justice à deux vitesses et le poids que l'exécutif peut exercer sur l'institution judiciaire lorsque celle-ci n'est pas entièrement indépendante. Ce précédent démontre que l'autonomie de la justice reste fragile, et que des efforts sont encore nécessaires pour qu’elle soit réellement mise à l'abri de toute pression politique.

Dans un État de droit, un système judiciaire fort et indépendant constitue une garantie pour les droits fondamentaux des citoyens. Cette indépendance est d’autant plus cruciale dans un pays où la confiance envers les institutions reste à rebâtir. Le projet de Constitution actuel marque un progrès symbolique dans cette direction, mais l’insuffisance de garanties d’indépendance du CSM suscite une inquiétude légitime. Alors que le pays s’apprête à se prononcer sur cette réforme, la question reste ouverte : cette Constitution saura-t-elle vraiment protéger la justice des influences politiques ou ne constituera-t-elle qu’une façade symbolique pour un changement attendu depuis trop longtemps ? Le maçon sera jugé au pied du mur.  






 

Par Pamphile EBO

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