«LE GABON A ENCAISSÉ ENVIRON 18 000 MILLIARDS MAIS AUCUNE INFRASTRUCTURE VISIBLE »

Lors d’une interview récente, Charles M'BA, ministre des Comptes publics et de la Dette, a pris la parole pour clarifier la gestion de la dette du Gabon et les choix financiers actuels, suscitant ainsi un large débat sur la manière dont le pays gère ses ressources. À une époque où la question de l’endettement reste un sujet sensible, le ministre a apporté des éclaircissements importants sur les emprunts et les investissements, mais aussi sur les inquiétudes liées à la mauvaise gestion de certaines ressources publiques dans le passé.
Des choix d’emprunt justifiés selon Charles M'BA
Le ministre a d’abord défendu les emprunts contractés par le Gabon, insistant sur le fait que ces choix étaient loin d’être mauvais.
"Pourquoi cela serait-il un mauvais choix ?"
a-t-il interrogé, en mettant en lumière son expérience en tant qu’ancien ministre délégué aux Finances. Il a rappelé que dans les années 2006-2009, le Gabon avait un budget d’investissement annuel d’environ 250 milliards de francs CFA, un montant jugé insuffisant pour couvrir les besoins du pays.
"Chaque année, le Fonds monétaire international (FMI) nous disait que nous n’avions pas la capacité d’absorber notre budget d’investissement"
a-t-il indiqué. En d’autres termes, l’argent était alloué, mais l’État peinait à l'utiliser efficacement.
Cependant, depuis 2010, avec des budgets d'investissement annuels dépassant les 1000 milliards de francs CFA, une question persiste :
"Quand vous n’êtes pas capable d’absorber 250 milliards, comment pouvez-vous gérer 1000 milliards ?"
a souligné Charles M'BA. Selon lui, cette situation a conduit à un endettement important, avec des conséquences visibles sur la capacité du Gabon à utiliser efficacement ses ressources.
"Sur ces 1000 milliards, il y a sans doute eu un mauvais endettement"
a-t-il reconnu. De 2010 à 2023, le Gabon a vu entrer dans ses caisses environ 18 000 milliards pour des investissements, mais les résultats sont frappants : aucune infrastructure visible, aucune avancée notable dans les secteurs clés comme la santé, l'éducation ou les routes.
La gestion de la dette : un dilemme à résoudre
L’une des questions les plus préoccupantes demeure : où est passé l'argent frais emprunté par l'État ?
"C’est la question que je me pose et que nous devons tous nous poser"
a avoué Charles M'BA, tout en reconnaissant qu’une partie de cet argent a pu être détournée. Pour expliquer la situation, il a évoqué le terme
d'“évaporation financière”
un concept déjà utilisé par les théoriciens des finances pour décrire la mauvaise gestion des ressources. Selon lui, cette
"évaporation"
est une réalité à laquelle le pays a dû faire face, rendant difficile la traçabilité de l’utilisation des fonds.
Malgré ces préoccupations, le ministre Charles M'BA est resté optimiste quant à la gestion actuelle de la dette. Il a rappelé que la dette en soi n'est pas nécessairement mauvaise, mais tout dépend de la manière dont elle est utilisée.
"La dette n'est pas un mal en soi, cela dépend de ce que l'on fait de la dette"
a-t-il répété, mettant en avant les choix effectués sous la direction du président Brice Clotaire Oligui Nguema, du gouvernement et du CTRI pour continuer à assumer et à rembourser les emprunts.
L’avenir : Modernisation du pays et prudence dans les emprunts
Charles M'BA a également pris le temps d'expliquer certains des projets en cours qui, selon lui, justifient les emprunts réalisés. Il a notamment cité l'exemple du projet Gabon Digital, qui a permis d’investir 54 millions d'euros (35 424 000 000 FCFA) pour moderniser le pays et améliorer la connectivité numérique.
"Nous avons emprunté pour moderniser le pays, et nous voyons concrètement les résultats de ces investissements"
a-t-il affirmé. Il a souligné la nécessité d’adopter une approche pragmatique et réaliste face aux défis du pays.
Toutefois, il n’a pas omis de rappeler qu’il est impératif pour le Gabon d’éviter de répéter les erreurs du passé. Une gestion plus rigoureuse des finances publiques et des investissements serait essentielle pour assurer une croissance durable et éviter les dérives qui ont caractérisé les précédentes périodes de fort endettement.
Une gestion transparente et responsable de la dette, est-ce possible ?
Loin d’être une simple justification de la politique d'emprunt du Gabon, les propos de Charles M’BA appellent à une réflexion plus large sur la gestion des finances publiques du pays. Si le ministre défend les emprunts comme étant nécessaires et bien ciblés, il reste vigilant face aux dérives du passé et se montre déterminé à faire en sorte que chaque franc emprunté soit utilisé de manière efficace.