LE DÉPUTÉ LIONEL ENGONGA A DÉPOSÉ UNE PROPOSITION DE LOI D'AMNISTIE POUR RÉHABILITER KELLY ONDO, ESTIMÉ BIDIMA ET DIMITRI NZÉ

Le député de la transition, Lionel Ella Engonga, a déposé ce 3 mars 2025 une proposition de loi d’amnistie visant à réhabiliter trois militaires : Kelly Ondo Obiang, Estimé Bidima Manongo, et Dimitri Wilfried Nze Minkom. Ces derniers sont détenus à la prison centrale de Libreville depuis leur arrestation le 7 février 2019. Cette initiative fait suite aux propos du Président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, prononcés lors de sa visite à Mitzic, le 21 février 2025, sur la situation carcérale du lieutenant Kelly Ondo Obiang.
Le contexte : une démarche législative marquée par la volonté de réconciliation
La proposition déposée en date du 3 mars 2025 s'inscrit dans le cadre des discussions en cours sur la réconciliation nationale et la restauration des institutions. Lionel Ella Engonga a ainsi déposé ce projet de loi auprès du Président de l’Assemblée Nationale de la transition, conformément aux dispositions des articles 76, 82 et 83 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale de la Transition, ainsi que des articles 164 à 166 du Code pénal et des articles 575 et suivants du Code de procédure pénale gabonais.
L’historien spécialiste de l’amnistie, Stéphan Gacon, définit l’amnistie comme
« un geste symbolique de réconciliation sociale, ou, pour être plus précis, de réconciliation civique »
Dans le cas présent, l’amnistie proposée concerne trois militaires condamnés après avoir tenté un changement de régime en janvier 2019. Leur action, bien que condamnée par la justice de l'époque, s'inscrivait dans un contexte de profond malaise social et politique au Gabon.
Les faits du 7 janvier 2019 : un acte de rébellion motivé par l’intérêt supérieur de la Nation
Les événements du 7 janvier 2019 restent gravés dans la mémoire collective des Gabonais. Ce jour-là, Kelly Ondo Obiang, Estimé Bidima Manongo et Dimitri Wilfried Nze Minkom avaient pris d'assaut la Radiotélévision Gabonaise (RTG) dans une tentative de renverser un régime qu'ils estimaient vacillant à la suite de l'incapacité du Président Ali Bongo Ondimba, malade. Leur rébellion allait plus loin qu'une simple contestation : elle incarnait un profond désaveu de la gestion du pays sous l’ère Bongo. Condamnés à 15 ans de prison ferme le 18 juin 2021 pour atteinte à la sûreté de l’État, association de malfaiteurs, vol commis avec violence et séquestration arbitraire, leur action avait, par son caractère audacieux, signalé les tensions profondes qui secouaient alors le pays.
Cependant, au-delà des actes répréhensibles pour lesquels ils ont été jugés, la motivation des trois militaires s'est avérée noble selon l'enquête judiciaire. Leur action avait pour but de rétablir la légitimité des institutions et d'assurer la continuité de l’État, un objectif qu'ils jugeaient compromis par la maladie du président Ali Bongo.
Un acte fondateur dans le changement politique : l’amnistie, outil de réconciliation nationale
Le geste de ces trois militaires a marqué un tournant dans l'histoire du Gabon. En effet, leurs actions ont été un prélude à l'événement majeur du 30 août 2023, avec le départ de l'ancien régime et l’établissement du Comité de la Transition pour la Restauration des Institutions (CTRI), dirigé aujourd'hui par le général Brice Oligui Nguema.
Dans cette optique, la proposition de loi d’amnistie vise non seulement à rétablir la justice pour ces militaires, mais aussi à favoriser une réconciliation plus large au sein du tissu social gabonais. Les partisans de cette initiative estiment qu'une véritable réconciliation nationale ne serait pas complète sans l’amnistie de ces trois figures, encore incarcérées, malgré le tournant politique que le pays a pris.
Une procédure législative inspirée des précédents internationaux
L’amnistie proposée repose sur des fondements juridiques solides. Elle trouve son inspiration dans des précédents législatifs, tant au Gabon qu’à l’international. Ainsi, la loi d’amnistie promulguée par feu Omar Bongo en 1998, en vertu de l’article 2 de la loi n° 13/98, a permis d’amnistier des faits liés aux événements politiques, notamment ceux portant atteinte à la sûreté de l’État. De plus, la Constitution gabonaise de 2024, adoptée par référendum, prévoit également des mesures d’amnistie pour les actes politiques intervenus après l’investiture du Président de la Transition.
Au niveau international, on peut citer le Burkina Faso, où, fin 2024, l'Assemblée législative de transition a adopté une loi sur la
« grâce amnistiante »
pour les militaires impliqués dans un coup d’État manqué en 2015. Cette loi a permis d’annuler les poursuites et les condamnations, offrant aux concernés une réhabilitation complète, y compris la possibilité de réintégrer leurs fonctions.
Les objectifs de la loi et les déclarations des autorités
Le projet de loi déposé par Lionel Ella Engonga en faveur des trois militaires incarcérés met l’accent sur la nécessité de guérir les blessures du passé et d’offrir une seconde chance à ceux qui ont agi pour défendre l’intérêt supérieur de la Nation. À cet égard, le Président de la transition, Brice Oligui Nguema, a exprimé son soutien à cette initiative, en affirmant que :
« Kelly Ondo, c’est mon frère. Les gens qui l’ont mis en prison l’ont jugé. Pour le libérer, je dois passer par les lois »
La proposition de loi en détail
L'amnistie proposée se décline comme suit :
Article 1er : Les militaires Kelly Ondo Obiang, Estimé Bidima Manongo et Dimitri Wilfried Nze Minkom, ainsi que les autres acteurs condamnés lors des événements du 6 au 7 janvier 2019, sont amnistiés de plein droit. Un décret en Conseil des Ministres déterminera les conditions d’application de cet article.
Article 2 : Lorsqu’elle intervient après condamnation définitive, l’amnistie est constatée par le ministère public près la juridiction ayant prononcé la condamnation, sur requête du condamné ou de ses ayants droit.
Article 3 : En vertu de l’article 582 du Code de procédure pénale, les bénéficiaires de l’amnistie seront réintégrés dans leurs emplois et grades comme avant leur condamnation.
Article 4 : La présente loi sera enregistrée au Journal Officiel et exécutée comme loi de la République.