MILICIENS

À seulement 135 kilomètres de la capitale congolaise, une nouvelle ligne de front s’installe. Ibi, localité paisible nichée sur le plateau des Batéké, sombre chaque jour davantage dans la violence. Les miliciens Mobondo, issus du conflit communautaire opposant depuis 2022 les Teke aux Yaka dans la province du Maï-Ndombe, y étendent leur emprise, en toute impunité.
Malgré le cessez-le-feu conclu à la mi-mars sous la houlette d’une délégation présidentielle et entériné par les chefs coutumiers des deux camps, les violences persistent. L’opération militaire « Ngemba », censée contenir cette expansion, a visiblement échoué à enrayer la progression des miliciens vers l’est de Kinshasa.
Sur place, les témoignages convergent. Une colonne armée a récemment surgi dans plusieurs villages d’Ibi, laissant derrière elle un sillage de mort et de désolation. Un jeune coupeur de bois a été massacré à la machette, son corps ensuite calciné. Un autre homme, travailleur journalier pour l’ONG Acadec, a été grièvement blessé. Aujourd’hui, les habitations sont désertes, les champs abandonnés, les familles en errance.
Profitant de l’abandon progressif des villages, les Mobondo réquisitionnent les maisons laissées vides. Ces structures deviennent des bases logistiques, des points d’appui pour leurs activités criminelles. Ils exploitent méthodiquement les ressources de la région, bois d’acacia, eucalyptus, sapins, transformés en charbon et écoulés dans les marchés de Kinshasa.
Mais plus inquiétant encore, cette économie parallèle serait rendue possible par des complicités dans les rangs mêmes de l’armée congolaise. Plusieurs sources évoquent des soutiens logistiques fournis par des militaires stationnés à Mbankana. Les revenus issus du commerce de charbon permettraient l’achat de vivres, d’armes et d’équipements.
À ce pillage des ressources naturelles s’ajoutent des actes de banditisme ciblé : troupeaux emportés, générateurs et panneaux solaires arrachés aux fermes locales. À Kinsele, localité à cheval entre le territoire de Kwamouth et la commune de Maluku, les Mobondo ne se contentent plus de la clandestinité. Ils imposent désormais ouvertement des taxes aux transporteurs, dans une logique mafieuse de contrôle territorial.