EXPLOITATION CONJOINTE

C’est un coup dur pour la République gabonaise. La Cour internationale de justice (CIJ) a rendu ce 19 mai 2025 un arrêt attribuant les îles Mbanié, Conga et Cocotier à la Guinée équatoriale, mettant fin à un long différend territorial entre les deux pays voisins du Golfe de Guinée. Cette décision, définitive et sans appel, a suscité une onde de choc au Gabon.
L’universitaire gabonais et docteur en géopolitique Jonathan Ntoutoume n’a pas caché son amertume.
« C’est une véritable désolation. C’est un jour sombre pour la République gabonaise qui perd près de 400 km² de son territoire maritime »
a-t-il confié.
La CIJ, saisie conjointement par Libreville et Malabo, a fondé sa décision principalement sur des documents juridiques historiques, notamment la convention franco-espagnole de 1900. Selon Ntoutoume, ce choix de la Cour a désavantagé le Gabon.
« Tous les arguments n'ont pas été mis sur la table, notamment les éléments historiques, géographiques et topographiques. On aurait pu mieux défendre notre cause, comme cela s’était fait dans le cas du différend maritime entre le Nigeria et le Cameroun à propos de la presqu’île de Bakassi »
a-t-il regretté sur le plateau de Télé Africa.
L’un des points faibles de la défense gabonaise semble avoir été l’absence de l’original de la convention dite de Bata, signée en 1974 entre les anciens chefs d’État Omar Bongo et Francisco Macías Nguema.
« Nous n’avions qu’une photocopie. L’authenticité du document n’a pas pu être prouvée, ce qui a pesé lourdement en notre défaveur »
a expliqué l’universitaire.
Pour Ntoutoume, ce revers met en lumière des carences structurelles du Gabon, notamment en matière d’archivage.
« Regardez l’état de notre centre de documentation national. On ne prend pas au sérieux la conservation des archives et aujourd’hui cela nous coûte cher »
a-t-il indiqué.
Sur le plan historique, il rappelle que ces îles n’étaient pas explicitement mentionnées dans la convention de 1900, ce qui avait permis au Gabon d’en revendiquer la possession dans les années 1970.
« En 1972, le Gabon a annexé l’île Mbanié avec un détachement de gendarmerie. À cette époque, on estimait que ce qui n’était pas attribué à l’Espagne revenait naturellement à la France, et donc au Gabon »
a-t-il précisé.
Malgré cette décision défavorable, Jonathan Ntoutoume appelle à l’apaisement et envisage d’éventuelles issues diplomatiques.
« Ce n’est pas la première fois qu’un tel différend surgit entre pays. Rappelez-vous les accords de Greentree entre le Nigeria et le Cameroun après la décision sur Bakassi. Peut-être qu’une exploitation conjointe des ressources autour de ces îles reste envisageable »
a-t-il suggéré.
Il invite les Gabonais à relativiser les enjeux économiques supposés de ces territoires.
« Beaucoup spéculent sur d’éventuelles réserves pétrolières dans ces îles, mais jusqu’ici, aucune découverte économiquement viable n’a été prouvée »
a-t-il rappelé, appelant à ne pas céder à la panique ni à la surenchère.
Pour l’universitaire, il est essentiel de tirer les leçons de cette défaite juridique :
« La Guinée équatoriale a été plus rigoureuse, plus professionnelle. Nous devons repenser notre manière de traiter les dossiers stratégiques et surtout, cesser de négliger nos archives »
a-t-il expliqué.