DEMI-SIÈCLE
Lors d’une séance plénière exceptionnelle au Sénat de la Transition, le 26 mai 2025, le ministre gabonais des Affaires étrangères, Régis Onanga Ndiaye, a été formellement interpellé pour s’expliquer sur le contentieux frontalier opposant le Gabon à la Guinée équatoriale, à la suite du récent verdict de la Cour internationale de justice (CIJ). Face aux sénateurs, le chef de la diplomatie a livré un exposé historique et diplomatique détaillé sur le différend. Il a insisté sur la volonté de Libreville de préserver la paix sous-régionale.
Un conflit enraciné dans l’histoire coloniale
Le ministre Régis Onanga Ndiaye a d’abord rappelé que les tensions remontent à l’époque post-coloniale.
« En effet, le conflit, si on peut le souligner, remonte à la période coloniale, mais les tensions entre la Guinée équatoriale et le Gabon se sont identifiées après l’indépendance de nos deux pays »
a déclaré Régis Onanga Ndiaye. C’est à partir de 1970 que le litige prend une tournure officielle, avec des revendications territoriales sur les îles Mbanié, Cocotier et Conga.
Ces différends ont été abordés pour la première fois dans un cadre africain lors du sommet de Dar-es-Salaam en 1972. Ce dernier a confié une mission de médiation aux Présidents Marien Ngouabi (Congo-Brazzaville) et Mobutu Sese Seko (Zaïre). Une première tentative de réconciliation aura lieu en 1973, marquée par des visites croisées des Chefs d'État à Libreville et Malabo. Elle débouchera sur la signature de la convention de Bata en 1974.
« La convention de Bata reconnaît la souveraineté gabonaise sur Mbanié, Cocotier et Conga »
a-t-il affirmé.
De la médiation à l’échec diplomatique
Malgré cette convention, le différend ressurgit dans les années 2000. Plusieurs médiations onusiennes échouent, la dernière aboutissant à un compromis signé à Marrakech en 2016. Selon le ministre, ce sont les autorités équato-guinéennes qui ont insisté pour saisir la Cour internationale de justice.
« La signature de ce compromis signifie tout simplement que la Guinée équatoriale nous a demandé d’aller devant la Cour et en aucune manière nous ne devions nous débiner »
a-t-il soutenu.
En mars 2021, la Guinée équatoriale saisit formellement la CIJ. Le 19 mai 2025, la cour a rendu sa décision : les îles contestées reviennent à la Guinée équatoriale, au motif que la seule convention juridique valable est celle signée entre la France et l’Espagne en 1900.
« La Cour a conclu que la convention signée à Bata n’est pas un titre juridique au sens premier de l’article du compromis »
a déploré le ministre.
Une approche apaisée prônée par le Gabon
Dans son intervention, Régis Onanga Ndiaye a souligné que malgré ce revers juridique, la volonté du Gabon est d'éviter l’escalade et privilégier la coopération.
« Le Gabon et la Guinée équatoriale sont des pays frontaliers, donc condamnés à vivre ensemble »
a-t-il affirmé, ajoutant que les deux pays partagent des instances régionales et internationales comme la CEMAC, la CEEAC ou encore l’Union africaine.
Dans cette optique, la diplomatie reste le canal privilégié.
« La voie diplomatique, le règlement à l’amiable, sera la voie privilégiée dans la gestion de ce dossier »
a-t-il assuré. Il a évoqué l’éventualité de commissions mixtes d’experts pour établir un dialogue technique et apaisé.
Le ministre a également révélé qu’un sommet bilatéral est prévu du 4 au 6 juin à Malabo, avec la présence du Président Brice Clotaire Oligui Nguema, conformément à un agenda établi bien avant le verdict de la CIJ. Il sera question de sécurité intérieure et culturelle, preuve, selon lui, de la solidité des liens diplomatiques malgré le contentieux.
Une lueur d’espoir depuis Bruxelles
Enfin, dans une note plus personnelle, le ministre a partagé un moment très important vécu récemment lors d’une rencontre à Bruxelles avec son homologue équato-guinéen.
« Mon frère, ce sera à nous diplomates de régler toutes ces histoires-là afin de préserver la paix et la stabilité dans notre pays »
lui a confié ce dernier. Une phrase à laquelle Régis Onanga Ndiaye a répondu en évoquant les mots du Président Omar Bongo :
« Ce que tu me dis là, c’est ce que Omar Bongo avait proposé il y a 25 ans »
Ce clin d’œil à l’histoire souligne l’intention du Gabon de transformer ce litige en opportunité de relance diplomatique, plutôt qu’en source de division.
Le Gabon, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, entend jouer la carte du dialogue et de la coopération.