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MAROC -FRANCE ,LA FRACTURE CONSOMMÉE

MAROC -FRANCE ,LA FRACTURE CONSOMMÉE
Depuis plusieurs mois, la relation France-Maroc est prise dans une dynamique délétère, quelles sont les raisons de cette dégradation des relations entre les deux États? Nous tentons de vous donner ici, quelques explications.

À l'automne 2021, la France avait annoncé sa volonté de réduire de manière drastique le nombre de visas accordés aux voyageurs marocains. Leur nombre a été divisé par deux, tout comme pour les Algériens. Dans le même temps,ceux des tunisiens devaient également diminuer d'un tiers. Une manière, pour Paris, de mettre la pression sur les pays du Maghreb : ces derniers, dont le Maroc en première ligne, étaient alors accusés de freiner l'accueil de leurs ressortissants en situation irrégulière et visés par des expulsions du territoire français. Pour que les expulsions soient effectives, les pays d'accueils doivent délivrer des "laissez-passer consulaires". En ne fournissant qu'un nombre très réduit de ces documents, les procédures se retrouvaient alors gelées. 

Le Maroc, comme ses voisins, a vu la décision des autorités françaises comme une forme de chantage, ainsi qu'une atteinte à la liberté de circulation. Paris, de son côté, assumait sa volonté de mettre la pression sur ses voisins méditerranéens afin qu'ils accentuent leur coopération en matière de gestion des flux migratoires.

 "Nous avons pris les mesures, avec nos partenaires marocains, pour restaurer une relation consulaire normale",

Assurait en décembre la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna. En voyage dans le royaume, elle se félicitait des avancées observées avec son homologue. La diplomatie marocaine, quant à elle, évoquait une rencontre qui allait "dans le bon sens"

 

Pegasus, l'affaire d'espionnage qui dérange

Si l'épineux dossier des visas semble en voie de résolution, une autre affaire continue pour sa part de compliquer les relations entre France et Maroc. Révélée par un consortium de médias internationaux, une affaire d'espionnage a mis en exergue la surveillance de quelque 50.000 personnes à travers le monde (femmes et hommes politiques, journalistes, militants des droits humains, etc.) par le biais d’un logiciel espion PEGASUS mis au point par une société israélienne. Plusieurs gouvernements ont été mis en cause, dont celui du Maroc. 

En conséquence, le Parlement européen a diligenté une commission d'enquête en avril 2022 pour que ces abus cessent. Les autorités marocaines n’ont pas apprécié d'être mis en cause dans ce dossier, et n'hésitent pas à incriminer Paris. 

 

Une proximité avec l'Algérie qui fâche

Au cours de l'année écoulée, les liens entretenus par la France avec l'Algérie ont constitué un sujet de crispation et de tension à Rabat, alors que le Maroc et son voisin entretiennent une rivalité de longue date, cristallisée par la question délicate du statut du Sahara occidental, devenu l'objet d'une crise diplomatique. 

Dans ce contexte, la visite d'Emmanuel Macron dans les premiers mois qui ont suivi sa réélection ont suscité des crispations. Un déplacement à l'issue duquel l'Élysée insistait sur "les destins liés" de l'Algérie et de la France, ainsi que sur les "liens humains inestimables" tissés à travers le temps. Cela s'ajoute à la visite des 23 et 24 janvier dernier du chef d’état-major de l’armée nationale populaire, Saïd Chengriha. Décrit par la presse comme "très anti-marocain", il s'est rendu dans l'hexagone en répondant à une invitation formulée par son homologue français.

 

Qu’est ce qui se passe?

La France se refuse à emboîter le pas à la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par les États-Unis, incompréhension d'autant plus forte que la France est considérée comme le partenaire le plus proche. Le fait que les Nations-Unies considèrent qu'il s'agit toujours d'un territoire non autonome n'est pas un obstacle à la reconnaissance unilatérale, comme l'ont montré les Etats-Unis. Rien n’empêche un Etat de reconnaitre ce qui lui semble juste et nécessaire de reconnaître. Dès lors, le Maroc a commencé à s'interroger sérieusement sur l'étendue et le contenu de l'amitié de la France.Cette interrogation s’est assez rapidement accompagnée de la circulation, dans les réseaux sociaux, d’un narratif présentant le non-engagement de la France vis-à-vis de la reconnaissance du Sahara marocain comme la conséquence d’une stratégie consistant à conserver un moyen de « tenir » le Maroc. Celui-ci serait ainsi dépendant de la France pour bloquer les résolutions hostiles du Conseil de sécurité. 

 

Distance des pays Africains et la France

La raison structurelle réside dans une prise de distance générale des Etats africains, naguère proches de la France, vis-à-vis de celle-ci. Cette prise de distance varie d'un Etat à l'autre, mais s'inscrit dans la même logique : la montée en puissance de la volonté de faire prévaloir un point de vue africain, démarqué des points de vue « occidentaux », sur les affaires africaines. Le discours tenu par le roi Mohammed VI, en 2017, lors du retour du Maroc au sein de l'Union africaine, relevait clairement de cette dynamique. Elle peut s’exprimer de manière positive ou négative. De manière positive, par le déploiement d’une stratégie consistant à utiliser des cadres développés par la France et partagés avec elle  afin de poursuivre ses propres intérêts. De manière négative, elle consiste à prendre, sinon le contrepied de la France, du moins à choisir des cadres de référence et des modus operandi  explicitement différents. C’est, par exemple, ce qu’a fait le Maroc en lançant, en 2013, sa nouvelle politique migratoire, favorisant la régularisation des migrants subsahariens, là où l’attitude française et, plus largement, européenne consiste à fermer le plus possible les frontières.

Par LINA WM

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